Très récemment remis en état par l’entreprise GTFC
Sa fermeture complète, du 4 septembre au 24 octobre 1989, aura occasionné tant de difficultés aux usagers, que chacun est désormais convaincu de son importance et de son absolue nécessité pour le village et son environnement économique.
Au milieu du 19ème siècle, sous le régime de Napoléon III on assiste à un essor des activités agricoles et au développement de l’industrie (filature - scieries). Les productions demandent pour leur écoulement des infrastructures de communication et des moyens de transports de plus en plus importants.
Colombier-Fontaine dont les habitants sont dénombrés à 450, voit s’installer le chemin de fer (1858). Le canal du Rhône au Rhin est en service depuis 1830. Par contre, malgré les “prestations”, en nature, obligatoires chaque année pour l’entretien des chemins, les moyens de communication entre villages sont très pauvres et peu carrossables.
Nos anciens souffrent d’un état de fait et s’interrogent sur les moyens à mettre en place pour améliorer la situation.
UN PROJET AUDACIEUX ET MAL PARTAGÉ
Lorsque les habitants de Colombier-Fontaine voulaient rejoindre les communes de Lougres, Longevelle, Beutal, Montenois, etc., ils devaient obligatoirement traverser la rivière à gué ou à l’aide d’un bac.
C’est en 1858 que germe l’idée de construire un pont sur le Doubs, au lieu-dit “Moulin Barbeaux” (l’endroit actuel), d’un commun accord avec Lougres et avec le ferme espoir que d’autres communes et des particuliers y souscrivent.
Ce projet répond à une nécessité économique et sociale. Il est aussi considéré comme un argument convaincant pour influencer la Compagnie des Chemins de fer sur le choix d’implantation de la gare voyageurs et trafic marchandises à Colombier-Fontaine plutôt que Saint-Maurice, lieu initialement prévu.
Les chemins alentour n’étant pas encore vicinaux ou reconnus d’intérêt commun, une seule possibilité de financement était envisageable : les fonds communaux et les souscriptions. Seules les communes de Lougres et Colombier-Fontaine, ainsi que la filature Méquillet-Noblot acceptent de participer financièrement au projet. Longevelle refuse d’y souscrire ce qui entraînera une vive polémique entre municipalités comme en témoigne cet extrait de délibération de juillet 1861 du Conseil Municipal de Colombier relatant . . . “qu’à condition qu’aucun produit des ventes n’entre directement dans la commune de Longevelle, attendu que cette dernière, pour le moins aussi intéressée que celle de Lougres, n’a voulu contribuer en rien à l’établissement du pont et que, par le fait, elle a fait preuve d’une indélicatesse qu’on ne saurait qualifier...” puis le 18/10/1862 . . .“ne peut alléguer aucun motif sérieux en faveur de ce refus basé uniquement sur un esprit incompréhensible d’opposition systématique”.
Les négociations aboutissent néanmoins aux conclusions suivantes :
— Colombier-Fontaine : 56 % du coût de construction
— Lougres 44 %
— Méquillet-Noblot : 5 000 F.
UN GOUFFRE FINANCIER POUR LA COMMUNE
En séance extraordinaire du 20/07/1858, sur ses fonds libres, le Conseil Municipal de l’époque décide de voter un crédit de quote-part de 14 000 F conditionnant cet important effort à ce qu‘il puisse être perçu "un péage sur tout passager et attelage étrangers et non domiciliés dans l’une des deux communes précitées” et “qu’il n’existe aucun bac ou bachot public dans un rayon d’au moins quatre kilomètres en aval et deux kilomètres en amont” (conditions qui seront jugées illégales donc non recevables par le Préfet quelque temps plus tard).
La somme ainsi votée se révèlera très insuffisante puisque les plans et devis dressés par M. Mettetal, agent voyer à Montbéliard le 6 juillet 1861, pour la 1ère section comprenant les travaux de construction du pont seul s’élèvent à 71686,73 F et pour la 2éme section se rattachant aux levées, aux abords avec chaussées et empierrement sur le tout, les travaux se montent à la somme de 6200 F (entièrement la charge de la commune de Colombier-Fontaine).
Le Conseil Municipal présidé par le Maire M. DUROY Georges nommé par arrêté préfectoral (le suffrage universel n’existait pas à cette époque) et composé de 9 conseillers, à savoir :
. Bourlier Pierre
. Duroy Frédéric
. Fallot Pierre
. Fallot Frédéric
. Bourlier Pierre
. Bourlier Pierre
. Duroy Pierre
. Chavey Frédéric
. Morel Pierre
va s’ingénier à trouver les fonds nécessaires (37 344.57 F) en réalisant la vente de terrains communaux (ex: 2000 F à un dénommé Véron), en renouvelant les souscriptions particulières (900 F) en sollicitant les autres communes (800 F) et surtout en vendant par anticipation une coupe de bois d’un lot de réserve de 9,4 ha pour 10000 F avec une demande de dérogation à l’autorité de tutelle.
Cela ne suffit toujours pas et le Conseil demande l’autorisation d’opérer la vente de diverses parcelles de “terrains communaux joignant les propriétés bâties et autres” en fixant le prix à 2 F le m2.
L’aliénation de tous ces terrains va permettre petit à petit de trouver le financement définitif (l’emprunt si pratiqué aujourd’hui n’était pas dans les mœurs de cette époque !).
LA CONSTRUCTION DEBUTE
Sous la surveillance d’un maître d’œuvre, Alexandre Calmelet d’Arcey, rétribué 3,50 F/jour, les travaux commencent fin 1862. Le pont conçu est identique à celui d’aujourd’hui, pont de pierres d’une largeur de 6 mètres de chaussée avec chambres à mines aux deux bouts.
L’entrepreneur, un certain Carret utilisera les pierres extraites de la carrière de Lougres et Courchaton pour ce qui concerne les pierres de taille nécessaires aux chaperons des piles centrales. Il connaîtra certains déboires jusqu’en février 1864. Par l’intermédiaire de M. l’Agent voyer de Montbéliard il sollicite un secours financier que la commune de Colombier refuse estimant avoir rempli "toutes ses obligations et devoirs en sa faveur”. On peut supposer que c’est le Département qui suppléera la commune, sur des fonds votés annuellement pour pertes et accidents.
L’ouvrage par lui-même sera réalisé en moins de deux ans.
LES ACCES ET ABORDS POSENT PROBLEMES
Par arrêté préfectoral du 26/08/1862 le pont et ses abords ont été classés chemin d’intérêt commun impliquant participation financière des communes concernées (répartition des 6200 F de la 2éme section). Colombier-Fontaine devra y contribuer à concurrence de 30 % ce qui relance la polémique, surtout avec Longevelle n’ayant que 20 % à supporter, alors que le Conseil Municipal juge “. . . qu’attendu qu’elle n’a rien fourni dans les travaux du pont, qu’elle n’aurait pas trop pour sa part de faire tous les travaux des abords, attendu qu’un grand nombre d’ouvriers de Longevelle passent déjà journellement sur le pont, avant d’être achevé, pour venir travailler soit à l’usine de MM. Méquillet-Noblot et Cie, soit au chemin de fer...“ (extrait du PV du 31/10/1863).
Les difficultés financières ont pour corollaire la lenteur dans la réalisation des abords. Lougres ne peut faire face à ses engagements et la commune de Colombier, soucieuse d’en finir avec une situation qui n’a que trop duré, accepte de verser 5000 F à la caisse municipale de Lougres sous forme de prêt à 5 % d’intérêt par an.
En janvier 1866, constatant que les travaux ne sont pas terminés et que “journellement les passagers avec voiture sont dans la nécessité de venir au village chercher des chevaux de renfort afin de retirer leur voiture d’une boue extraordinaire . . .“, le Conseil Municipal demande qu’ils soient continués en régie aux frais de l’entrepreneur et terminés dans le plus bref délai.
En définitive les 6200 F prévus à l'origine deviendront 111118.51 F. Mais les tensions s’étant apaisées de par la qualité des travaux réalisés et la grande utilité économique de l'ouvrage reconnue par tous surtout vis à vis de l’intense trafic de la gare définitivement en service Colombier-Fontaine — c’est donc relativement satisfait que le Conseil Municipal vote la dernière somme à débourser le 21 décembre 1866 (133.42 F pour les honoraires de 4 % dus aux agents voyers).
LES VICISSITUDES D’UN PONT
Moins de 5 ans d’utilisation du pont se sont écoulés. La guerre franco-allemande de 1870 conduira le génie militaire à faire sauter l’ouvrage pour retarder l’invasion des prussiens.
Le 13 août 1871, l’État réclame une quote-part communale de 8850 F pour la reconstruction du pont prévue en 1872. Le Conseil Municipal proteste très vigoureusement estimant que les frais doivent être à la charge de l’État et de toute évidence répartis différemment et il refuse de voter le contingent assigné. Il semble qu’il ait obtenu gain de cause puisqu’on ne retrouve nulle trace d’une telle dépense dans les archives communales.
Le pont fut remis en service en 1873.
En juin 1940, nouvelle destruction sur décision des autorités militaires, les colonnes allemandes déferlant sur la N 463. Il sera reconstruit quelques mois plus tard par une entreprise pyrénéenne.
En octobre 1944, les Allemands, acculés par les troupes alliées qui s’apprêtent à libérer le pays, décident de faire sauter l’ouvrage. Quelques FFI avertis de l’intention, mais dénués de moyens, tenteront vainement de s’y opposer et ils assistent à une nouvelle et terrible explosion qui privera Colombier-Fontaine de son accès principal pour plusieurs années.
Une passerelle sommaire et peut sécurisante fut installée. Elle permettra néanmoins le passage des nombreux ouvriers de la rive droite du Doubs qui alimentent en main d’œuvre les trois usines du village.
Le pont fut reconstruit en 1950 dans le cadre des réparations pour dommages de guerre.
Il est souhaitable que les “chambres mines”, ces excavations prévues réglementairement dans ce type d’ouvrage par le Ministère de la Défense et destinées à recevoir les charges de dynamite, ne soient plus jamais utilisées.